mardi 20 mai 2008

1er mai, Krivine, Magdeburg, Hundertwasser, Neue Nationalgalerie et requin taureau

Nous voilà en mai, le temps est encore passé très vite, il me reste à présent deux mois à vivre ici à FFo... Pas encore le moment de pleurnicher. J'ai bien occupé mon temps depuis le début du semestre d'été. Côté cours j'ai validé mes deux Hausarbeite du premier semestre ! Mais je ne tiens pas à m'attarder là dessus, il me faut à présent travailler pour le second semestre, où les cours que j'ai choisis ne s'avèrent pas faciles ! Un cours de sciences politiques d'abord, qui pourrait être très bien si le prof ne décidait pas de battre son record de vitesse chaque mardi, s'il faisait preuve d'un peu moins de prétention (par exemple parler de lui même à la première personne comme toute personne normale et non à la troisième) et s'il ne nous donnait pas chaque semaine cent pages à lire et à résumer obligatoirement, sachant que les textes sont évidemment bien plus compliqués que le tome trois des aventures de "Oui Oui au pays des jouets"... Bref je reste convaincue que Habermas est l'un de ces auteurs faits pour motiver les élèves à travailler étant donnée la nullité complète ressentie à la lecture de son oeuvre. Pourquoi est-ce qu'il faut nécessairement être compliqué pour avoir l'air intelligent???



Mes cours du mercredi sont plus sympathiques, un cours d'histoire et un cours sur les idéologies marxiste, libérale, catholique et antiglobalisatrice (ça se dit?)... Le prof est Polonais et prend le parti de parler lentement pour être compréhensible malgré son accent, je me retrouve un peu en lui et je dois dire que ça fait du bien ! Dommage qu'il fasse sans cesse l'amalgame entre communisme et stalinisme (moyen moyen pour un professeur de philosophie politique, mais rien d'étonnant et de très nouveau finalement dans cette confusion, surtout pas pour une élève de Sciences-po !). Enfin mon cours du jeudi traite des "sciences culturelles", cours qui me semble typiquement allemand, mixte entre sociologie de la culture, philosophie de la culture et ethnologie, assez passionnant mais également compliqué. Le prof est celui que j'avais au premier semestre en sociologie et je crois que je le comprends un peu mieux désormais, même si la participation des élèves est assez intense, et qu'il est parfois difficile de tout saisir.



Côté météo, bah oui ça fait grand-mère mais sa compte tout de même, FFO a une tête carrément sympa avec du soleil! Je me déplace tous les jours à vélo (on l'a enfin réparé !) et c'est super agréable. Je bas des records de vitesse d'ailleurs (enfin mes propres records hein pas ceux du tour de France, mais ça compte pas d'abord on est à FFO). Y'a du monde sur les avenues (si si!) et des jupettes à tous les coins de rue !



Le premier mai, journée également fériée en Allemagne, j'ai pris part aux manifs berlinoises où la tradition veut que les gens portent un oeillet rouge sur leur vêtement.
Le premier défilé auquel j'ai assisté avait lieu dans le centre de Berlin. Je dois avouer que les manifs des syndicats sont en Allemagne aussi ennuyeuses qu'en France, mais les manifestants étaient assez nombreux malgré la grosse averse qui a mouillé mes chaussettes et fait déteindre mon manteau sur mon tee shirt blanc (pauvre tee shirt, et pauvres chaussettes). Les pancartes des différents syndicats du DGB affichaient hypocritement leur volonté d'améliorer les conditions des travailleurs (quand on sait le succès de leur stratégie de "négociation" et leur effort continuel pour "casser" tout velléité gréviste).



J'ai passé l'après-midi dans le quartier de Kreuzberg, où a lieu la fameuse et traditionnelle manif "révolutionnaire" qui s'y tient depuis 1987 et a la réputation d'être assez violente. Pas cette fois en tout cas. L'ambiance est certes plus agitée que dans les défilés syndicaux de la matinée (pas dur en même temps!), les drapeaux rouges et noirs sont de bon goût, et les pancartes anarchistes, maoïstes, indépendantistes kurdes, antifa et j'en passe se succèdent sous les yeux des spectateurs. Le cortège haut en couleurs était, cette année, accompagné par un groupe de rap français, dont je ne connais pas le nom. Le mot d'ordre le plus courant (selon mes rapides statistiques) : "pas de libération sans révolution". Pour autant le rassemblement annuel du mois de mai dans le quartier de Kreuzberg semble finalement moins politique que festif. Il faut dire qu'en cette après-midi du premier mai, les rues de Kreurzberg appartiennent à la fois au manifestants et aux foules venues pour la fête du quartier. Toute la journée des groupes de musique défilent sur des podiums, des personnages déguisés évoluent sur des échasses, des p'tits bouts hauts comme trois pommes courent de stand en stand pour participer aux différentes activités organisées pour eux et les vendeurs de saucisses sont sûrement trois fois plus nombreux que les stands de documentations politiques en tout genre. Rien d'étonnant à cette ambiance colorée, le 1er mai à Berlin est aussi le jour de la "kermesse Myfest", sponsorisée par le quartier et l'Etat. Cette fête créée en 2003 a pour but officiel de limiter les débordements des manifestations politiques du premier mai, avec notamment l'idée de proposer des loisirs alternatifs aux individus "casseurs" en mal d'activités...



Cette fête a en effet été développée pour mettre à mal les manifestations politiques dans le quartier, les autorités ayant depuis 1987 régulièrement tenté d'empêcher le traditionnel passage par Kreuzberg de la manifestation "révolutionnaire". D'où l'idée d'un festival familial et bon enfant (Myfest) contrôlé par l'Etat afin de remplir les rues et de séparer les gens en "politiques" et "non politiques", "étrangers" et "habitants de Kreuzberg", au risque évidemment de faire de cette journée du premier mai, originellement événement politique et théâtre de revendications sociales nombreuses, une journée digne du club Mickey (mais c'est bien là le but de Myfest!). Le résultat de cette stratégie "d'apaisement" semble mitigé. Grâce à la kermesse, les rues sont au contraire remplies de gens, dont beaucoup soutiennent les manifestations politiques (à l'image de cette mère de famille avec qui j'ai discuté, grande nostalgique de la DDR, politiquement floue mais clairement critique vis à vis de la politique du gouvernement actuel) mais on observe aussi effectivement un recul des échauffourées avec la police.



Le vendredi j'ai assisté à un meeting d'Alain Krivine organisé par la LCR pour discuter du Nouveau Parti Anticapitaliste. Nous étions une quarantaine dans la salle, une grande majorité d'Allemands, et le débat a duré trois bonnes heures, ralenti il est vrai par la traduction, Krivine ne parlant pas allemand. Pour l'anecdote, les Spartakistes sont en Allemagne aussi allumés de la brèche et perturbateurs qu'en France.




Côté voyage à présent. Au début du mois nous avons pris le train avec Aja, Pavlina et Julie en direction de Magdeburg qui se trouve à l'ouest de Berlin (FFo est à l'est) dans le Land de Sachsen-Anhalt. Trois heures de train pour arriver dans cette ville plutôt jolie, avantagée il est vrai par un temps magnifique, et dont un monument surtout a retenu notre attention. Ce bâtiment c'est la citadelle verte de Hundertwasser, dernier monument sur lequel il a travaillé avant sa mort. Et là on pense forcément à Gaudi ! Parce que c'est un peu fou, parce que c'est coloré et biscornu, parce que l'on se demande clairement "comment ça peut tenir", et comment on peut parvenir à réaliser un tel projet, semblable au château d'une princesse sorti tout droit de l'imagination débordante d'une petite fille. Die grüne Zitadelle est bizarrement rose, malgré son nom. On comprend cette appellation quand on paye deux euros pour se rendre au sommet de la plus haute tour, d'où l'on peut observer les toits de la citadelle, couverts de gazon... Le voilà le vert ! L'architecte de cette jolie "étrangeté", qui semble avoir déclaré la guerre "à la ligne droite", est autrichien. Friedensreich Hundertwasser, fervent défenseur écologiste, est avant tout connu pour sa peinture, qui elle aussi vaut le détour ! En architecture, il défend notamment l'idée d'un droit à la fenêtre, et écrit en 1959 "Un propriétaire doit avoir le droit de se pencher à sa fenêtre et de changer tout ce qu'il veut du mur extérieur, aussi loin que peut aller sa main afin qu'on puisse voir de loin depuis la rue: Ici vit un être humain. "



Enfin du 7 au 12 mai j'ai eu la visite de Jack et Isabelle (alias maman et beau-papa) qui ont dormi à Berlin pendant cinq jours et avec qui j'ai arpenté la capitale sous un soleil génial ! À nous l'aquarium du Zoologischer Garten, ça c'était mon idée je l'avoue, j'ai une faiblesse depuis toujours pour ce qui nage, mais objectivement c'est un bel aquarium ! On a fait pas mal de balades dans le quartier de Prenzlauer Berg et de Friedrichshain (notamment le marché aux puces de la Boxhagener Platz que je connaissais déjà où l'on peut trouver des jeans à 50 centimes!). On a mangé dans un resto italien super sympa à Kreuzberg, une partie du quartier que je ne connaissais pas, bien plus "bobo" que le quartier turc, traversé par un canal adorable.



Le dimanche c'était le Carnaval des cultures à Berlin, avec notamment le défilé de plus d'une centaine de chars décorés aux couleurs et thèmes nationaux et entourés de danseurs s'agitant sur des rythmes venus du monde entier, salsa, tango, flamenco, danses orientale et traditionnelle d’Arménie, concerts de latinjazz, latinfunk, reggae, dancehall, rock et pop turc, percussion, musiques électronique, klezmer, orientale, créole, grecque, arménienne, d’Afrique noire… Les rues étaient pleines à craquer, des vendeurs de tout et n'importe quoi (mais surtout d'alcool!) postés à tous les coins, et l'ambiance était assez euphorique. Malheureusement le cortège était difficilement visible et la concurrence pour trouver une "bonne" place était rude.



Autre bonne suprise de la semaine, le musée de la Postdamer Strasse, la Neue Nationalgalerie, entièrement voué à l'art moderne. La collection est très riche, et le bâtiment agréablement aéré, les oeuvres sont relativement espacées ce qui permet une visite digeste ! Les tableaux sont classés par courants : expressionnisme symbolique, expressionnisme (tout court), réalisme, Bauhaus, art informel, art de la DDR, nouvelle peinture et art zéro. L'expressionnisme allemand est évidemment très présent, et ce malgré l'opération "art dégénéré" (Entartete Kunst), menée par les nazis, où le musée fut vidé et vit ses pièces vendues ou détruites. On y trouve aujourd'hui des artistes variés, Munch, Kirchner Nolde, Kokoschka, Beckmann, Grosz, sans oublier évidemment Otto Dix, Schlemmer et Muche(les deux derniers appartenant au mouvement du Bauhaus), Delaunay, Picasso, Léger, Miro, Dali, Ernst....



Dernière photo : tenue camouflage pour soirée relooking-coloration pour les cheveux de Pavlina : le résultat est plutôt pas mal (elle a les cheveux un peu rouges!) mais on s'est surtout bien marré !